Carnet de Voyage : La Grande Île à Istanbul ( dans tous ces petits détails )

 Carnet de Voyage

La Grande Île à Istanbul

    Il y a moins d'un mois, j'ai visité la gigantesque et éternelle métropole de Turquie, c'est-à-dire Istanbul, pour mon rendez-vous visal pour la France. Vu que la procédure a peu duré et j'étais bien libre dès 10 heures du matin, j'avais énormément de temps pour faire le tour de la ville jusqu'à mon vol de retour dont le départ était fixé à 23 heures. J'ai cependant décidé de faire autrement que les dernières fois où j'avais flâné entre les quartiers les plus notoires de la ville tels que Fatih qui comprend l'ancienne ville de Constantinople intra-muros ou Taksim qui est la grande esplanade dont l'avenue iconique d'Istiklal part avec son tramway rouge au milieu. À la place d'une fidélité touristique niaise et obstinée, j'ai pris la décision de visiter les Îles du Prince au large des côtes asiatiques, ce qui s'est avéré le meilleur choix que j'ai pris ce jour-là. En fin de compte, je pourrai revenir et savourer la rive asiatique de la ville plus facilement que ses îles exiguës auxquelles on n'accède qu'en bateau. Dans cet article, je vais ainsi relater mon aventure d'Istanbul, en particulier de la Grande Île. Pourtant, je vous préviens d'avance que je fais preuve de loquacité dans cet article.

    Dans la nuit du 4 au 5 juin 2025, j'ai quitté mon bureau à minuit pile pour rejoindre l'aéroport d'Antalya vers 2 heures de la nuit par le moyen du covoiturage qui m'a permis d'économiser considérablement sur mes frais de transport. Cela serait mon troisième vol, j'étais donc familier avec ce qui m'attendait : des procédures de sécurité accablantes, d'interminables queues devant les portes, un brouhaha insupportable des autres passagers et beaucoup plus. Pourtant, j'avais acheté un billet de Turkish Airlines et cette gigantesque entreprise de premier ordre jouit déjà d'une reconnaissance à l'échelle internationale, ce qui s'est avéré avec ce vol sous mes yeux. Aucun retard n'a ruiné l'expérience, les sièges offraient un confort inégalable et le service à bord était d'une qualité inouïe. Les hôtesses donnaient de l'eau, du thé et voire un sandwich gratuitement. En sus, derrière l'appuie-tête de chaque siège était monté un écran tactile muni d'une connexion Internet. Les films proposés mis à part, je pouvais même faire le suivi en direct de notre vol et visualiser une mappemonde qui n'indiquait pas seulement ma localisation mais aussi la durée de vol restante estimée. Bref, je suis arrivé à l'aéroport d'Istanbul situé sur la partie européenne environ un quart d'heure après le lever du soleil.

    À la suite de l'atterrissage, je me suis renseigné aux possibilités de transport en commun à destination de l'esplanade de Taksim et pris le bus HAVAIST qui m'y a déposé en l'espace d'une demie heure. Avant de reprendre le chemin, j'ai visité l'Institut Cervantes à Istanbul derrière la Grande Mosquée de Taksim, vers l'église catholique arménienne en bas et j'ai enfin pu récupérer mes diplômes d'espagnol après presque 2 ans de repos dans les archives poussiéreuses. Même si l'institut était fermé ce jour-là, j'ai pu me faire remettre mes diplômes de DELE C2 et de DELE C1 dans la cabine de sécurité vu que j'avais prévenu les responsables à l'avance. 

Moi devant l'institut, tout aigri sans aucune raison

    Puis j'ai ensuite parcouru le reste du chemin à pied et traversé une commune très sale, désorganisée et troublante. Elle s'appelle Dolapdere et l'atmosphère de ces petites ruelles sales, négligées et encombrées de taudis piètres était frappante au plus haut degré. L'existence d'un tel endroit, encore moins sa proximité l'avenue la plus huppée était limitrophe de cette commune délabrée ne siéent à une ancienne capitale impériale en tout cas. De tels endroits ne sont pas seulement esthétiquement désagréables mais ils agissent très souvent comme un repaire de criminels, de bandits et de vagabonds. Quoi qu'il en soit, j'ai pu traverser cette commune affreuse sain et sauf et je me suis retrouvé à côté d'une artère principale qui me séparait du bâtiment de VFS Global juste en face, facile à repérer par la queue incommensurable de gens tenant à la main des dossiers pleins de documents sous un soleil de plomb. 

Une ruelle à Dolapdere ( J'ai bien risqué ma peau )


Le centre de visas VFS Global à Istanbul

    Hormis l'attente éternelle devant le bâtiment tout en tenant mon dossier juste au-dessus de ma tête pour me protéger du soleil, j'ai mené à bien toutes les démarches visales sans accrocs. Vu que je demandais le visa étudiant, le personnel ne m'a même pas référé à un entretien ; j'ai soumis les documents et mes empreintes digitales avant que je ne sois allé. J'envisage de dédier un article complet à ce processus mais il n'est pas pertinent en ce moment. ( Pourtant, je dois vous donner un spoiler : le visa a également été délivré. ) Enfin, j'ai remonté la pente de Taksim et j'ai pris la ligne de métro Taksim-Kabataş pour descendre jusqu'à l'embarcadère de ferry, car je voulais enfin me rendre aux îles, ne serait-ce qu'une seule fois dans ma vie. Dans le métro, un remue-ménage assourdissait les passagers mais la mélodie et la cadence de ce tapage étaient familières pour je ne sais quelle raison. En y tendant l'oreille, je me suis rendu compte que ce petit groupe de vieux hommes de haute stature bavardaient en français. Je suis intervenu en m'adressant à deux d'eux assis ensemble et ils m'ont informé qu'ils venaient de Belgique et la cause de leur vacarme gaillard est la célébration de l'anniversaire du vieux monsieur assis au milieu. Tantôt ils chantaient " Joyeux Anniversaire " à haute voix, tantôt ils riaient tous ensemble. Leur attitude joyeuse faisait également l'objet de la curiosité des autres passagers, dont certains regardaient d'un air curieux et jovial et d'autres d'un air hagard et agacé. En tout cas, le trajet n'a pas beaucoup duré. Cette ligne souterraine est l'une des plus courtes de tout Istanbul, nous sommes donc descendus au bout de quelques arrêts à la dernière station. 

    Une fois arrivé à l'embarcadère de Kabataş, une vive émotion d'impatience a rempli mon âme parce que ce serait la troisième fois en bateau dans toute ma vie depuis mon échappée éphémère à Izmir en 2022. J'ai passé ma carte Istanbul au guichet et sauté dans le premier bateau disponible pour prendre place sur un siège du côté dehors. Je pouvais ainsi profiter de l'air frais qui me léchait le visage et de minuscules gouttelettes d'eau qui éclaboussaient doucement sur ma peau. Dans cette traversée, il ne faut pas oublier l'animal le plus symbolique d'Istanbul : les mouettes. ces gracieux oiseaux tellement épris des mers et des océans sont censées s'alimenter de divers poissons mais la population locale les a accoutumées à consommer du pain à force de leur en jeter. En compagnie de ces attrayants oiseaux, nous avons vogué à travers le détroit et après la Mer de Marmara vers la Grande Île tous ensemble. 

Détroit du Bosphore, la Tour de Léandre et le Pont du Bosphore

    Les Îles du Prince se composent en effet de 9 îles de différentes tailles. À commencer par le petit port de Kabataş, la Grande Île est le dernier arrêt du bateau. Quand j'ai débarqué sur l'île, l'ambiance était déjà irreconnaissable. Il me paraissait difficile à accepter le fait que cette île exotique avec les épars édifices et la forêt vierge qui les entoure faisait véritablement partie d'une telle métropole, aujourd'hui envahie par l'étalement urbain et croulant sous le poids d'amas de béton. Tout jusqu'à l'odeur de l'air avait drastiquement changé ; le bouillonnement d'une ville trépidante et houleuse avait cédé la place à une tranquillité nonchalante et paisible. L'empressement des employés s'était évanoui au profit de l'insouciance des vacanciers et des locaux. Idem, j'ai aussi été infecté de cette insouciance insulaire et je me suis mis à déambuler un peu le long de la côte. 

Les côtes de la Grande Île 

    Il était un peu plus après midi, pas trop. L'envoûtement de la Grande Île m'avait saisi dans le tréfonds de mon âme. J'étais arrivé sans préparations d'aucune sorte et j'étais conscient que j'étais inexorablement voué à rater certaines choses à la fin de la journée en tout cas. Malgré tout, il fallait utiliser mon temps à bon escient et profiter de mon séjour passager ici le plus efficacement possible. La première particularité déconcertante, insolite et singulière était l'absence de voitures. Tout déplacement quotidien s'achevait grâce aux vélos personnels, dont chacun portait une plaque d'immatriculation à la façon d'une voiture conformément aux règlements locaux, et il était impossible de voir une voiture privée sur les étroites rues. J'ai ajouté l'adjectif "privée" parce que les véhicules motorisés publics tels que les ambulances, les voitures policières, les camions de pompiers, les camions-poubelle ou les bus étaient évidemment tous dispensés de cette interdiction. Les règlements architecturaux semblaient être strictement appliqués au vu des magasins ou des banques populaires dont le logo était redessiné et coloré de différentes couleurs en conformité avec les normes établies. La plupart des endroits étaient peints en blanc et en or jaune comme s'il s'agissait d'une petite antenne du Saint-Siège à vrai dire.

La succursale d'une banque dont le logo est normalement bleu

Deux vélos avec leurs plaques d'immatriculation

    Une petite place se dresse au milieu de la ville insulaire là où se retrouvent les ports et l'afflux de visiteurs convergeait vers cette place autour de laquelle se profilent de nombreux restaurants locaux. J'ai fait un tour des côtes dominées par les restaurants de poisson dont une odeur alléchante et exquise émanait. Ces îles-là n'étaient pas spécifiquement connues pour abriter de belles plages puisque la majorité du littoral était aménagée en front de mer en béton sans sable ni accès à la mer. Lors de ma traversée en bateau, j'avais certes pu observer quelques plages éparpillées à divers endroits de chacune des îles ; cependant, je ne suis pas sûr si ces plages sont publiques ou privées. Bref, le littoral était desservi purement pour que les gens aient un dîner fastueux devant une vue ensorcelante, semblable à celle depuis L'Île de la Liberté sur la péninsule de Manhattan dans une certaine mesure, car on voit les gratte-ciels imposants se dresser sur les deux rives d'Istanbul continental.

Une vue istanbulienne minuscule derrière moi

    Le 5 juin étant mon jour de paie, je n'avais pas plus de 20 euros dans mon portefeuille et je devais donc lésiner sur mon argent jusqu'au soir, environ 16 ou 17 heures. Pour cette raison, j'ai acheté un toast Ayvalik dans la terrasse d'un petit café côtier pas trop cher pour mon budget à ce moment et j'ai certes pris de la glace dans le glacier historique du lieu. De même, j'ai préféré la marche au vélo même si cette petite agglomération insulaire regorgeait de magasins de vélos. En outre, la superficie de l'île était en grande partie couverte par des forêts luxuriantes. Quoique luxuriantes, ces forêts n'étaient pas des jungles tropicales, sinon elles avaient l'aspect d'un bosquet calme avec un sous-bois clairsemé et le gazon ras ou plutôt d'une aire de pique-nique que les familles fréquentent les week-ends. De toute façon, une marche en amont tranquille, quoiqu'esquintante et traînante, me permettrait de mieux me délecter du paysage sans que je doive pousser un vélo au moment de monter l'une des nombreuses pentes de l'île.

La vue depuis le versant mentionné ce-dessous

En haut de l'escalier raide et infini

    En marchant, j'ai fait la connaissance d'un couple libanais et nous nous sommes séparés à un carrefour d'où j'ai commencé à monter un escalier inconfortablement raide et apparemment infini comme s'il menait au royaume des cieux. Je l'ai monté pendant longtemps avec quelques étrangers et j'ai rencontré une famille turque en haut. Nous nous sommes pris des photos ensemble et une nouvelle séparation s'est produite. À la fin de près d'un quart d'heure, j'étais arrivé à un versant élevé donnant sur une vue de mer de 360 degrés s'offrait. De chaque coté, une merveille m'ahurissait. Puis je suis plongé dans cette forêt pour atteindre l'ancien orphelinat grec. À force de se faire fouler par de nombreux passants à longueur de journée, des sentiers naturels s'étaient formés. Des ruines d'anciens bâtiments étaient disséminées pêle-mêle avec des meubles aléatoires là-dedans : des canapés ou des sommiers délaissés, des cruches en terre cuite ou des fragments de porcelaine par terre. De ces immeubles singuliers se dégageait un sentiment glaçant et épouvantable digne des contes d'horreur où tout un scandale se déroule à l'intérieur d'un manoir hanté. Ces bâtiments décrépits étaient chacun une plus petite version de ce manoir en soi. J'ai pénétré dans l'un d'eux mais l'expérience n'était pas à la hauteur même si j'ai évité de rester trop longtemps là-dedans. 

À l'intérieur de l'une des ruines

L'extérieur d'une autre ruine

    Suite à cette courte promenade aventurière et parfois audacieuse, j'ai fini devant le fameux orphelinat situé à 206 mètres d'altitude. Il était en très mauvais état ou plutôt déliquescence. À distance, on pouvait observer que toute la structure en bois croulait comme ces planches courbées et vermoulues s'effondraient petit à petit. Une enceinte basse empêchait tout abord quand même. Vu de l'avant, on ne pouvait pas remarquer les dépendances qui se retrouvent derrière le bâtiment principal. En réalité, l'allée de ce complexe était bouclée par des cordons jaunes mais personne ne les respectait. Cette structure imposante de 20 000 mètres carrés avait en fait été construite en 1898 par un architecte franco-ottoman d'origine levantine nommé Alexandre Vallaury comme un futur hôtel et casino de luxe. Néanmoins, le sultan ottoman de l'époque, Abdul Hamid II, n'a pas permis l'opération et l'hôtel a par conséquent été acheté par l'épouse d'un banquier grec qui l'a donné au patriarcat œcuménique de Constantinople qui l'a opéré comme orphelinat de 1903 jusqu'en 1964. Pourtant, la Direction générale des fondations en Turquie a fermé de force cet orphelinat le 21 avril 1964 à la suite des tensions accrues de la population turque à l'égard des grecs lors de la crise diplomatique entre la Grèce et la Turquie sur la question chypriote et l'état turc a saisi la propriété en 1997. Ce bâtiment crucial qui a logé plus de 5 800 orphelins en son sein au cours de son histoire reste en désuétude depuis lors. 

Le fameux orphelinat grec vu de profil

    De surcroît, il faut noter que l'Orphelinat Grec de la Grande Île est le plus grand édifice en bois de toute l'Europe et le second plus grand au monde derrière le temple bouddhiste Tōdai-ji de Nara au Japon. Son complexe comprend ainsi 206 chambres, une cuisine, une bibliothèque, une école primaire et un atelier de formation professionnelle.

Le bâtiment secondaire en bas

    Juste devant l'orphelinat, un enfant mignon, maigre mais aux joues bouffies, d'entre 7 et 10 ans racolait des gens pour vendre des bouteilles d'eau froide qu'il avait entassées dans le panier attaché au guidon de son vélo en bon vendeur ambulant. J'ai acheté une bouteille et laissé un peu de pourboire aussi en reconnaissance de son service avant de demander aux passants de prendre ma photo avec la vue de la mer en bas et de rebrousser chemin. Si j'avais suivi le chemin vers le bas, j'aurais trouvé le musée de l'île, ainsi qu'un monastère grec et la maison du poète éminent de la littérature turque Reşat Nuri Güntekin. À mon grand dam, ils étaient les opportunités que j'avais dit que j'étais voué à manquer finalement. Enfin, j'étais épuisé et il ne me restait plus une goutte d'énergie pour marcher. J'ai pris sûrement un détour sur le chemin de retour vers le centre-ville.

La meilleure photo du jour

    Cependant, la route me paraissait tellement longue, le trajet à parcourir tellement immense que j'ai décidé de prendre un bus qui passait par ma trajectoire mais le prix s'élevait à 100 lires turques, environ 2,2 euros, pour une distance de 800-900 mètres. J'ai voulu descendre aussitôt que je suis monté mais le chauffeur m'a refusé la sortie en m'offrant par un sentiment d'hospitalité chaleureuse le trajet grauitement. Un passager m'a prêté main-forte quand même et il a glissé sa carte de transport Istanbul sur le lecteur de billets pour moi. Après que mon bus a par la suite failli percuter une cycliste inattentive et, pour ainsi dire, écervelée, je suis enfin descendu dans la rue derrière la place principale où je suis débarqué d'abord. Là, il y avait un petit magasin véritablement authentique et inédit, du moins pour moi : un magasin d'eau pétillante faite maison aux arômes différents. À vrai dire, il était prohibitif pour une consommation quotidienne, car une portion coûtait 120 lires turques, à peu près de 3 euros. La boisson était par contre extrêmement délectable. Si je me rappelle bien, j'ai pris l'eau pétillante basilic-grenade ; j'ai demandé au gérant s'il pouvait mélanger plus de deux différents arômes mais il a expliqué qu'il ne le ferait pas pour ne pas trop altérer ou délayer l'harmonie des arômes dans un chaos. Une fois ma dégustation finie, j'ai arrêté sur la place principale malgré toute la volonté de reprendre le périple d'autant que j'étais essouflé et somnolent à ce stade-là. J'ai donc acheté un billet de ferry de retour à destination de la rive asiatique et je suis retourné en toute fraîcheur de la mer. Puis, je me suis rendu à une petite salle de billard pour y jouer au Snooker jusqu'à ce qu'il était temps de m'en aller pour mon avion. S'il faut ajouter une dernière remarque à cet article prolixe, la compagnie aérienne que j'avais choisie était Pegasus comme d'habitude contrairement à Turkish Airlines d'auparavant.

Le magasin d'eau pétillante faite maison

L'une des allées au centre-ville 

    Tout cela dit, je juge ce bon texte achevé et je vous témoigne de mes plus profonds sentiments de reconnaissance pour le temps que vous avez dédié pour arriver jusqu'ici,
Athel.


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